CONFERENCE-DEBAT DE MADAME BENNARI LATIFA A LA MAISON D’ARRET DE FRESNES

25 novembre 2003

« Pédophiles : Faut-il les condamner sans les écouter ? »

P : Président des visiteurs de prison.
S : Samuel pédophile invité à la conférence et témoin dans « La Fin d’un Silence« .
LB ; Latifa BENNARI

Compte rendu du débat
Nombre des personnes présentes : 66

Madame BENNARI a fait part de sa méthode de prévention concernant la maltraitance sexuelle lors d’un discours de 20 minutes. Elle s’est présentée en tant que porte parole des enfants pour la protection et les droits des enfants.

L’action menée par L’Ange Bleu a pour but d’:

  • Apporter un soutien aux victimes, ainsi qu’à leurs proches
  • Aider les pédophiles qui en ressentent le besoin
  • Dans le deuxième volet de l’action de l’association qui concernait essentiellement le public, la présidente de l’association a essayé de répondre aux mieux aux questions qui lui ont été posées. A savoir :
  1. Qui sont les pédophiles ?
  2. En existe t-il plusieurs types ? Si oui lesquels ?
  3. Comment le sont-ils devenus ?
  4. Peut-on les aider à ne pas ou ne plus passer à l’acte ?

 

Le public était essentiellement composé de membres d’associations, de psychothérapeutes, psychanalystes, proches des détenus.
Après le discours, Madame BENNARI a invité un collaborateur de l’association qui est un pédophile abstinent, il se nomme Samuel. Il était présent pour expliquer son point de vue et expliquer son attirance pour les enfants.

Débat :

Public : Avec votre combat, est-ce qu’on ne joue pas contre l’intérêt des enfants ?
Latifa BENNARI : Il faut savoir que la pédophilie est une attirance sexuelle ou plutôt une orientation. Il n’y pas de culpabilité à avoir si on ne fait rien de mal. Les pédophiles abstinents sont malheureux car ils ne sont pas en contact avec des personnes qui les comprennent. Le passage à l’acte est un crime, il est puni par la loi, et l’association est impitoyable face aux agresseurs sexuels. Notre but est de protéger les enfants et la prévention se situe avant le passage à l’acte et non après, donc il faut d’une manière ou d’une autre prévenir en aidant les pédophiles en les comprenant et leur apporter un soutien.

P : Quelle est la motivation pour ne pas passer à l’acte ?
Samuel : Je suis parfaitement conscient du fait que le passage à l’acte est contraire à l’intérêt des enfants. Il faut laisser les enfants découvrir la sexualité en temps voulu, ils doivent apprendre d’eux mêmes, je suis persuadé que ces pratiques peuvent être destructrices pour l’enfant.

P : Le passage à l’acte est une déviance de l’amour ?
LB : Certains passages à l’acte ne sont pas faits dans une intention de nuire à l’enfant. Il y a un amour certain et un attachement pour l’enfant. Je continue de penser que le passage à l’acte est cynique et que malgré tout le pédophile actif se moque des conséquences de son acte sur l’évolution de l’enfant.

P : Etant pédophile, peut-on se construire une vie (mariage, enfants…) ?
S : Je ne parviens pas à avoir une stabilité parfaite, je ne suis pas marié et je n’ai pas d’enfants. Mes attirances évoluent avec le temps vers l’homosexualité. Au début, j’étais attiré par les enfants de 8/10 ans et maintenant vers des adolescents de 17/18 ans. Je ne suis absolument pas attiré par les enfants de moins de 11 ans.

P : Comment reconnaître un pédophile dans notre entourage ?
LB : Le pédophile lui même se tournera vers une oreille attentive, c’est lui qui vous trouvera. Les pédophiles sont des personnes comme vous et moi, cela ne se voit pas sur l’apparence physique. S : Les familles sont souvent très méchantes avec les pédophiles, ils sont exclus et ne les soutiennent absolument pas.

P : Comment travaille l’Ange Bleu ?
LB : Au début, je comptais sur le partenariat des autres associations qui luttent contre la maltraitance sexuelle puis j’ai découvert que j’étais rejetée par celles ci. Internet a permis à beaucoup de pédophiles de se mettre en contact avec l’association, ils se sont sentis en confiance et ils se sont ouverts pour une aide. D’autre part, des professionnels ne croyaient pas en cette approche de prévention et ne pensaient pas que les pédophiles abstinents pourraient se confier à moi.

P : Vous avez dit que certains pédophiles pouvaient protéger les enfants ?
LB : Au sujet de la récidive, il y a encore des progrès à faire car les pédophiles sont seuls face à leur souffrance. La prévention ne veut pas dire qu’il faut les associer avec des enfants. Je vais vous parler d’un cas qui me tient à cœur, car il faut savoir que les pédophiles découvrent très tôt leur attirance pour les enfants, dès l’adolescence voire dès l’enfance. R.M, un jeune adulte de 18 ans à sa sortie de prison il veut travailler à l’Ange Bleu et s’occuper des enfants. Mais il n’est pas possible de l’intégrer car son crime est encore prématuré pour prétendre être prêt psychologiquement pour aider des victimes. Or, Samuel notre collaborateur n’est pas attiré par les enfants, sexuellement parlant, il connaît les conséquences et son but est de protéger les enfants.

P : Vous sentez-vous fragilisé avec les enfants qui vous attirent ?
S : Je me nourris de fantasmes, je ne veux pas passer à l’acte et je ne l’ai jamais voulu. J’ai des sentiments amoureux, je veux partager une idylle comme toute personne, mais cela est impossible, je m’y suis résigné. Ce sentiment est très douloureux mais il est sain pour l’adolescent.

P : Je suis un visiteur de prison, je vois un agresseur sexuel qui souhaiterait travailler à l’écoute d’anciens détenus. Existe t-il d’autres associations comme la vôtre ?
LB : Il n’y en existe pas d’autre malheureusement, nous sommes face à ce fléau. Il faudrait être sûre de son état psychologique avant de se lancer dans cette aventure.

Madame Latifa BENNARI lit une lettre de R.M pour que le public soit conscient de son désarroi face à sa solitude car à sa sortie de prison, il ne sait pas quoi faire, il est exclu de son entourage et de sa ville.

P : On dit que l’acte se reproduit, des anciennes victimes deviennent des pédophiles, qu’en pensez-vous ?
LB : Certains pédophiles qui ont été abusés sexuellement étant enfants sont amenés à reproduire l’acte, mais pas tous, heureusement. C’est une expérience très douloureuse, mais de nos jours il y a bien d’autres épreuves que les enfants vivent qui sont elles aussi destructrices comme le divorce des parents, la mort d’un des parents. Dans une étude faite au Canada, sur 200 pédophiles questionnés sur un éventuel abus pendant l’enfance, deux tiers ont répondu que oui et puis après le passage au détecteur de mensonge, il s’est avéré qu’un tiers de cette population disait vrai. Certains utilisent ce prétexte pour légitimer l’acte.

P : Il faut une certaine force de caractère ou une motivation pour vivre une telle souffrance et surtout pour ne pas passer à l’acte ?
LB : Il y a malheureusement des dérapages dévastateurs qui détruisent une personne qui n’arrive pas à vivre avec cette différence. Je pense en particulier à la psychologie du pédophile qui le vit mal, il peut se perdre dans l’alcool, la drogue ou se suicider. Je vais vous lire une lettre qui a été écrite sur un forum.
Lecture de la lettre du suicide en direct
C’est Samuel qui m’a fait part de cette lettre, et m’a mis en contact avec celui ci. Il a effectivement essayé de se suicider, il a survécu et s’en est voulu de s’être « raté ». Il a été hospitalisé et je l’ai aidé comme j’ai pu.
S : J’ai également essayé de mettre fin à mes jours, je me suis jeté sous un bus, je n’avais que 19 ans. Je trouve cette façon lâche pour affronter la situation, mais c’était en même temps un moyen d’en finir définitivement. Je me méprisais.

P : Pensez-vous que beaucoup d’homosexuels étaient au préalable pédérastes ou pédophiles ?
S : Pas obligatoirement, en ce qui me concerne j’ai été rejeté par les homosexuels, car j’ai essayé il y a longtemps, de m’intégrer à des groupes, mais ils ne m’ont pas accepté. Certains homosexuels se cachent derrière un masque, car ils sont pédophiles ou pédérastes dans l’âme.

P : Existe t-il différentes classes de pédophiles ?
LB : Il en existe autant qu’il y a d’individus sur terre, j’ai essayé de les regrouper en trois types, mais le classement n’est pas exhaustif.

P : Des femmes pédophiles vous ont-elles contacté ?
LB : Les femmes ont davantage de mal à se prononcer, elle n’arrivent pas à le dire. Et il faut savoir qu’il est encore plus difficile à les dénoncer. Il s’agit d’un traumatisme encore plus destructeur, les victimes se taisent encore plus quand il s’agit de femmes qui agressent. Je m’intéresse particulièrement aux cas de femmes pédophiles et aux mères incestueuses. Il y a malgré tout moins de cas de femmes que d’hommes.
S : Il existe des sites sur Internet invitant des femmes pédophiles. Certaines ne savent pas différencier les caresses affectueuses et les caresses sexuelles. Il reste un chiffre indéterminable pour évaluer les cas, c’est un chiffre noir.

P : Avez-vous des cas de pédophiles incestueux ?
LB : Il est bien de différencier la pédophilie et l’inceste, sachez que tous les pédophiles ne sont pas incestueux et vis versa. J’ai quelques cas rares, mais ils existent quand même. Dans mon ouvrage, je fais part de différents cas de figure.

P à Samuel : Vous êtes membre actif de l’association, vous aidez les pédophiles, mais êtes vous vous même aidé par un médecin ?
S : Avant je faisais partie d’un groupe de parole dans le centre du Docteur Coutenceau. Le docteur pensait que j’avais assez de force pour continuer seul. Je n’exclus pas le fait que je pourrai en avoir besoin, si nécessaire j’y ferai recours. Actuellement, je me sens assez solide pour aider des pédophiles.

P : Sur les forums, les internautes cherchent de l’aide ou des enfants ?
S : Les forums sont des lieux de discussions, d’expression. De toute façon l’exclusion renvoie au communautarisme, les pédophiles sont rejetés même quand ils n’ont rien fait, alors ils se retrouvent entre eux pour être compris par des personnes comme eux. Les forums ne sont en aucun cas des lieux d’échange d’enfants ou de pédopornographie. Ce sont souvent des personnes désespérées qui se retrouvent sur les forums, mais ces internautes parlent aussi d’autre chose (cinéma, musique, littérature…). Ils échangent des idées, ils polémiquent également, enfin comme sur tous les forums. La seule particularité est que ces personnes sont attirées par des enfants.

P : Sur votre lieu de travail vous dites être pédophile ou homosexuel ?
S : Je dis être bisexuel… car je ne sais pas moi même où me situer, mais je sais qu’en aucun cas je ne toucherai un enfant.

P : L’impact de la pédophilie est-il le même aujourd’hui, ou a t-elle toujours existé ?
LB : La pédophilie a toujours existé, mais on en parle plus de nos jours. Les médias utilisent ce thème pour faire la une des journaux. Les lois ont également évolué et la répression est plus forte. Mais les gens font un amalgame entre pédophile et agresseur. De plus comme le définit le dictionnaire, un pédophile est une personne qui est attirée par les enfants, et la majorité sexuelle est de 15 ans en France. Donc au delà des 15 ans, on ne parle plus de pédophilie. Mais la pédophilie a toujours été présente, ce n’est pas une nouvelle création.

P : Pensez-vous que la sanction pénale est une bonne thérapie ?
LB : Cela dépend des personnes. Mais la répression est obligatoire pour défendre les enfants. Les agresseurs doivent être reconnus coupables aux yeux de la loi. Il y a une augmentation de sanctions depuis quelques années. Cela s’avère parfois peu productif, car les délinquants sexuels sortent encore plus dangereux. On condamne de nos jours le stockage de photos que les pédophiles possèdent.
S : Les dessins qui sont nés de l’imagination ne nuisent pas. Mais si la répression est la même pour le stockage, certains pédophiles disent qu’à la limite pourquoi pas télécharger des photos pédopornographiques. Il existent beaucoup d’amatrices de photo pédopornographiques avec des petits garçons.

P : Dans les familles japonaises, on dit que les femmes initient les jeunes garçons ou enfants à la sexualité, que savez-vous à ce sujet ?
LB : Il est probable que cela se produise, j’en ai déjà entendu parler, mais je ne sais pas grand chose à ce sujet. J’ai une photo assez choquante, et j’invite ceux qui le désirent à la voir sur une mère de famille qui incite son fils à faire une fellation à un autre enfant.
Une personne du public montre une photo publicitaire parue dans un magazine « Marie-Claire » il s’agit d’une petite fille qui est très peu habillée. On voit le fessier de l’enfant avec un morceau de tissu exprimant un tutu.
Il est incroyable que les médias utilisent ce genre de photos. Il s’agit d’une photo qui pourrait faire fantasmer un pédophile attiré par les petites filles.

P : La pédophilie est une maladie ?
LB : Non, c’est une orientation sexuelle, ou une déviance. Le plus grave dans cette situation c’est que ce sont d’autres maladies qui se greffent à la pédophilie comme la dépression ou les tendances suicidaires. On ne peut parler de maladie, on ne peut donc pas soigner les pédophiles.

P : Nous avons contacté le Parisien, France 3 pour cette conférence. Ils ont refusé de venir car ils n’étaient pas intéressés. Qu’en pensez-vous ?
LB : Les médias refusent de traiter le sujet de la prévention c’est à dire avant de passer à l’acte car ils méconnaissent le sujet et ne savent pas le traiter. Ils préfèrent les histoires à scandale comme l’affaire de Michael Jackson ou les cas de tueurs en série. Le passage à l’acte terrorise le public et c’est une bonne façon de faire des gros titres et ils y voient des fins commerciales.

P : La presse ne donne t-elle pas des idées aux pédophiles pour le passage à l’acte ?
S : Personnellement je ne pense pas, en ce qui me concerne je trouve cela très malheureux car ce sont une minorité de pédophiles qui donnent une mauvaise image aux autres. Mais je ne peux pas l’affirmer, il est possible que certains s’en inspirent.

Fin du débat