Le mot de la Présidente

Il n’y a de meilleur indice de la vitalité d’un pays que l’état psychologique de sa jeunesse.photolatifa Il favorise l’harmonie familiale et, par là même, l’harmonie de la société.
Protéger les enfants du fléau des abus sexuels, auquel j’ai été personnellement confrontée, est une mission délicate et complexe. Mon expérience malheureuse, gravée à jamais dans ma mémoire, a été une source d’énergie, alimentant une volonté de me battre sans répit contre un phénomène souvent dévastateur.
Militante sur le terrain depuis les années ’70, j’ai constaté lors de mes investigations que la pédophilie est un thème difficile à aborder, ambigu, et sujet à polémique.

Agir sur les causes

Oser en parler, c’est se donner la possibilité de traiter et de maîtriser en profondeur le problème de la maltraitance sexuelle pour mieux le combattre.
Une prise de conscience de ce manque de parole a donné naissance à l’association L’Ange Bleu, qui m’a permis de mieux organiser et de structurer mes efforts.

Aujourd’hui je suis une partenaire avisée et éclairée des institutions et des associations concernées par le problème.
L’appui et le soutien des représentants de la Nation, ainsi que ceux d’éminentes personnalités du monde médical, juridique et social, renforcent ma motivation pour mener à bien cette action.

La Présidente
Latifa BENNARI

L’action de l’association

La méthode de prévention de l’Ange Bleu

Méthode inédite et informelle; des groupes de parole réunissant victimes et pédophiles

Malgré le lancement en juin 2014 d’une « alliance mondiale contre la pédopornographie en ligne » entre les Etats-Unis et l’Europe, la prévention de la maltraitance sexuelle des enfants en France et ailleurs demeure illusoire. Si la question de la récidive est un sujet régulièrement soulevé et rebattu par les politiques et les médias, celle de la réelle prévention en amont visée à empêcher ou dissuader le passage à l’acte des pédophiles, surtout de ceux qui n’ont pas encore enfreint la loi, est en revanche passée sous silence.

Moi-même victime d’un pédosexuel dès l’âge de six ans jusqu’à quatorze ans, j’ai souhaité comprendre ce phénomène dès mon adolescence dans le but de pouvoir un jour protéger les enfants et leur apporter le soutien que j’aurais souhaité recevoir à leur âge. Devenue depuis lors militante sur le terrain pendant trente ans déjà avant la création de mon association « L’Ange bleu » en 1998, j’ai pu constater lors de mes investigations que la pédophilie est un thème difficile à aborder, complexe, ambigu et sujet à polémique.

Les définitions de la pédophilie sont en effet multiples et regroupent parfois des notions différentes, source de nombreux amalgames dans les discours officiels.

Qui désigne t-on par le terme « pédophile » ?

Pour bien comprendre le débat, il est nécessaire de repréciser la définition du terme « pédophile ». Tout d’abord, un pédophile n’est pas nécessairement un pédosexuel et un pédosexuels n’est pas nécessairement pédophile.

Le terme « pédosexuel » désigne un adulte ayant des relations sexuelles avec des enfants impubères. Il peut être violent, non violent (séducteur/manipulateur) ou de « bonne foi », c’est-à-dire n’ayant pas conscience de porter atteinte à l’intégrité physique de l’enfant.

En revanche le terme « pédophile » désigne une personne (généralement un homme) qui éprouve une attirance sexuelle relativement stable et fixée pour des enfants impubère, donc de moins de 13 ans environs. On parle parfois aussi de personnes héphébophiles (ou hébéphiles pour simplifier). Ces dernières développent les mêmes attirances mais ne s’intéressent qu’aux adolescents pubères, de 13 à 18 ans environs.

On doit donc distinguer les pédophiles ou hébéphiles criminels des pédophiles ou hébéphiles dits « abstinents », qui développent des attirances ou fantasmes mais qui font le choix de ne jamais passer à l’acte. De plus, il est important de ne pas faire d’amalgame avec l’inceste : les incestueux, même quand ils commettent des actes pédosexuels, ne sont pas tous nécessairement pédophiles.

Par ailleurs, cette forme d’attirance sexuelle déviante fait, pour certains, partie intégrante de leur personnalité et n’entraîne pas de sentiment de culpabilité. En revanche, pour d’autres, présenter de telles attirances relève d’un supplice, source de honte et d’angoisse. Cependant, le milieu médical n’appréhende que difficilement les différences entre un pédophile dit « criminel » ou pédosexuel, et un pédophile dit « abstinent », leur prescrivant la plupart du temps la même prise en charge, dans le meilleur des cas inapproprié. Avec quel traitement ? Souvent le même tous profils confondus : l’administration d’antidépresseurs ou la castration chimique et c’est bien le problème.

Il n’est pas rare en effet que l’on traite de la même manière le violeur récidiviste et le pédophile consommateur d’images pornographiques qui n’est jamais passé à l’acte. Dès lors, le sadique et le névrosé timide, le pédophile psychopathe et le pédophile amoureux, tous sont mis sur le même plan. Ainsi considérés, les pédophiles font souvent l’objet d’une prise en charge insuffisante et inadaptée. En effet, comment pourraient-ils prendre au sérieux et accorder quelque crédit que ce soit à des professionnels mal formés, tenant un discours judiciaire ou thérapeutique dans lequel ces pédophiles et ces hébéphiles peinent à se reconnaître ?

Des pédophiles suivant un traitement me l’ont témoigné à plusieurs reprises : ils méprisent la suffisance d’un discours en si grand décalage avec leur personnalité comme avec leurs désirs, et ce n’est bien souvent que pour se voir délivrer une attestation qu’ils vont « pointer » auprès d’un thérapeute, obéissant à l’injonction de soin. La situation devient alors ubuesque : un thérapeute, si soucieux de prévenir la récidive, vient à en oublier la subjectivité et la souffrance des patients pédophiles, qui ne sont pas nécessairement réfractaires à la thérapie.

Ces derniers se retrouvent donc le plus souvent face à un mur d’angoisse et de honte, et beaucoup d’entre eux, incompris et mal soignés, songent au suicide. Il est certes plus facile de fermer les yeux sur cette sombre réalité, qui dérange. Mais laisser à l’abandon ces pédophiles « abstinents », c’est se détourner de potentiels criminels.

Prévenir la récidive n’est pas prévenir le passage à l’acte d’un pédophile…

Mon association « l’Ange Bleu » est donc née du constat d’un manque flagrant : celui de structures d’écoute et de soutien psychologique pour les pédophiles. Comment peut-on seulement parler de prévention, si l’on se désintéresse totalement des personnes susceptibles de passer à l’acte sur des enfants, de leur psychologie, de leurs opinions et de leur souffrance ?

En France, la prévention se limite à celle de la récidive. Se limiter à cette approche est à la fois dangereux et aberrant. Prévenir la récidive, qu’est-ce que ça signifie? C’est attendre que des pédophiles commettent des infractions sexuelles et que certaines d’entre elles soient signalées à la police et que certains de leurs auteurs soient condamnés à suivre un traitement. En apparence, les acteurs concernés par la prise en charge du pédophile mettent en œuvre toutes les mesures appropriées : le législateur se donne bonne conscience en durcissant les sanctions relatives au « récidiviste » potentiel, la justice prononce des injonctions de soin lorsque cela est jugé nécessaire, enfin le thérapeute assure un suivi et contribue donc à la prévention de la récidive. Le pédophile est considéré comme encadré et se donne, à son tour, bonne conscience, en envoyant régulièrement ses attestations de visite thérapeutique au juge d’instruction. Voilà la société rassurée. Du moins provisoirement.

En effet, dès qu’un délinquant/criminel sexuel récidive, on estime que ce dernier était de toute façon irrécupérable, et que la seule solution est le durcissement de la répression, certain évoquant même l’emprisonnement à vie. Et ce, qu’il s’agisse d’un consommateur d’images comme d’un violeur en série. Il est bien rare d’entendre remettre en question la pertinence de l’approche initiale.

C’est ce que je fais, de mon côté. J’affirme que la mise à l’épreuve imposée à certaines catégories de délinquants sexuels par décision judiciaire est une aberration et une grande erreur. Non seulement parce que la réponse vient trop tard, mais parce qu’elle est très souvent inadaptée.

Une proposition de méthode de prévention unique

Je propose une autre méthode de prévention : étude de profile et évaluation personnalisée du contrôle en présence d’enfants. Organisation de groupes de parole réunissant victimes et pédophiles tous profils confondus (en suivant des critères de compatibilité) dans une ambiance de non jugement, de respect et de convivialité; une expérience de terrain qui s’était avérée réparatrice pour les victimes et préventive pour les pédophiles. Cette méthode informelle et pionnière en Europe que j’ai développée au sein de mon programme d’action est devenue une référence mondiale compte tenu de son efficacité.

Je pars du principe qu’on ne devient pas pédophile du jour au lendemain à l’âge adulte. Il semble, en effet, que le désir pédophile se construit au fil du temps souvent depuis le début de l’adolescence. J’ai en outre suffisamment de témoignages pour affirmer qu’un pédophile ne passe généralement pas à l’acte sans avoir d’abord éprouvé pendant des mois et souvent des années cette attirance sexuelle pour des enfants à un niveau purement fantasmagorique. Et je sais aussi que beaucoup de pédophiles luttent contre leur désir en s’efforçant de ne pas avoir de relations pédosexuelles. La répression est nécessaire voire indispensable, mais elle ne saurait suffire à elle seule et j’ose dire que dans certains cas elle s’avère même contre productive. Des mesures alternatives seraient plus utiles et plus efficaces dans beaucoup de cas et ne coûteraient presque rien pour les contribuables.
Que faire pour que la prévention en France ne soit plus seulement un vain mot, et qu’elle cesse de n’être qu’un discours rassurant en décalage complet avec la réalité ?

Le Canada est considéré comme l’un des pays pionniers en matière de prévention de la maltraitance sexuelle des enfants, mais à y regarder de plus près, il semble que leur innovation réside encore une fois dans la prévention de la récidive et non dans celle du passage à l’acte, avec pour cible le pédophile toujours conceptualisé comme « agresseur », quand bien même il ne serait jamais passé à l’acte. Récemment, l’incarcération à Montréal d’un pédophile arrêté pour téléchargement et échange d’images d’enfants reflète au Canada le même retard en matière de prévention qu’en France.

La méconnaissance du phénomène de la pédophilie pousse parfois à la psychose, voire à l’hystérie. Selon moi, le seul moyen d’entrevoir des solutions en matière de prévention, c’est l’ouverture de ce champ par la parole : en sortant du silence les victimes et les pédophiles eux-mêmes. Ainsi, établir un dialogue c’est déjà agir et donc prévenir.

Partant du principe qu’un pédophile isolé est un pédophile dangereux, le groupe de parole confronte pédophiles « abstinents » ou « ex-criminels » avec des anciennes victimes, dans le but de raconter leurs parcours et de s’entraider mutuellement. En effet, le dialogue avec les victimes permet une prise de conscience des dégâts potentiels, en cas de premier passage à l’acte pour les uns ou d’une récidive pour les autres. Une méthode révolutionnaire qui a fait ses preuves et a constitué un vrai garde fou pour des milliers de pédophiles.

Après un reportage diffusé en 2005 sur Radio Canada, qui entre autre présentait l’action de L’Ange Bleu en France, j’ai reçu de nombreux appels émanant aussi bien de pédophiles que de professionnels qui souhaitaient savoir si le concept de l’association allait être « exporté » au Canada, compte tenu de sa pertinence et de l’absence d’équivalent dans ce pays. Je ne dis pas que la thérapie traditionnelle soit inutile, mais que dans l’idéal cette démarche devrait être volontaire, autant que possible, à l’image de celle des pédophiles qui ont rejoint les groupes de parole organisés par L’Ange Bleu : hors du cadre judiciaire ou institutionnel, hors de toute coercition. Je ne prétends pas non plus délivrer une thérapie ni me substituer aux médecins. Mais un élément fondamental à mes yeux n’est pas pris en considération par le milieu médical : le besoin pour le pédophile d’être entendu et respecté en tant que personne. Voilà, à mon sens, le pré-requis indispensable à la poursuite éventuelle d’une thérapie.

Je m’occupe par ailleurs d’un volet encore négligé, celui de l’aide apportée à l’entourage des pédophiles : comment accepter cette réalité ? J’essaye d’apporter des réponses à des parents qui ont un enfant pédophile et qui subissent l’influence désastreuse des médias, ou simplement l’œil accusateur du voisinage. La pédophilie est un tabou et suscite de vives réactions souvent destructrices. Mais la monstruosité du geste ne doit pas faire oublier que derrière cette déviance se cachent des hommes, qui doivent impérativement être pris en charge.
Les actions novatrices menées par l’Ange Bleu étaient rejetées compte tenu de leur originalité. Aujourd’hui grâce à quelques bons médias et le bilan de mes résultats, elles suscitent l’intérêt des institutions, mais également des criminologues et profileurs, qui cherchent à comprendre au mieux cette déviance sexuelle pour mieux agir.

Malgré les promesses et le parrainage de plusieurs représentants de l’état des gouvernements qui se sont succédé, de Gauche comme de Droite, l’association ne bénéficie d’aucune aide à ce jour et l’ampleur de mon action ainsi que les besoins formulés dépassent largement mes capacités.

Force est hélas de constater que malgré mes cris d’alarme récurrents et mes propositions de collaboration, aucune initiative, réflexion ou politique visant une meilleure prévention contre la maltraitance sexuelle des enfants n’a été envisagée. Malgré le danger potentiel d’un grand nombre de pédophiles fragiles dont le besoin est formulé, aucune volonté de développement d’une action à l’instar de la mienne à l’échelle nationale n’a été proposée. Car prévenir revient à protéger nos enfants, et c’est avant tout une prérogative d’Etat !

Pour conclure, j’ai envie d’exprimer ma colère suscitée par l’actualité sur l’utilisation abusive de fonds publics dont certains politiques font preuve. Sans faire de généralité, je suis consternée par les révélations de détournements de dépenses colossales dont font l’objet certains politiques. Hélas, mon pessimisme pour espérer une aide concrète de l’état laisse place à l’optimisme du côté des citoyens qu’ils soient français ou non pour compléter la seule corde qui manque à mon arc à savoir : le soutien et l’aide financière pour pouvoir continuer ce combat. C’est pourquoi, que vous soyez parent ou non, j’ai besoin de votre contribution. Un lien réservé aux dons est indiqué sur le site.