Un réalisateur partage ses ressentis sur les groupes de parole

Les groupes de parole organisés par L’Ange Bleu prévoient souvent un petit espace dédié aux observateurs (professionnels, étudiants, etc) pour montrer la validité de notre démarche et la réalité des besoins auxquels elle répond, et aussi pour que d’autre commencent à se former à la méthode de Mme Bennari. Nous publions ici un courriel d’un de ces observateurs, un réalisateur et producteur qui a voulu nous communiquer ses ressentis.

Bonsoir Latifa,

Je tenais à vous remercier une fois encore de m’avoir convié à ce groupe de parole. Je regrette vivement de n’avoir pu rester jusqu’à son terme : je n’avais aucune idée de la durée des discussions et je devais hélas vraiment me rendre à un rendez-vous.

Mais ce que j’ai vu m’a permis de comprendre pourquoi plusieurs détenus m’ont parlé de votre travail avec tant de passion : rien de ce que j’ai vu sur place ne correspond à ce que j’ai observé dans les centre de détention, auprès des SPIP ou auprès du personnel de soin.

Votre manière très directe d’aborder les choses, sans ambages, sans fausse pudeur, en appelant un chat un chat, en intervenant quand vous le sentez nécessaire, quitte à interrompre votre interlocuteur, tout simplement parce que, d’instinct, vous semblez sentir naturellement que le moment est opportun, qu’il faut recentrer, qu’il faut préciser, qu’il faut orienter — cette manière-là m’a, dans un premier temps, désarçonné. Mais j’ai dû reconnaître, devant l’évidence, que vous faisiez chaque fois mouche, par expérience bien sûr et, une fois encore, m’a-t-il semblé, par instinct.

Vous m’avez fait, je dois l’avouer, l’impression très forte, très saisissante, d’une funambule par grand vent, mais tellement maîtresse de son art que je n’ai jamais eu peur de la chute : très vite, je voulais surtout savoir comment vous alliez assurément vous en tirer, où vous vouliez obstinément en venir, car toujours je comprenais que vous aviez systématiquement derrière la tête une idée, que vous saviez très bien où vous mettiez les pieds. Ce qui est par surcroît impressionnant, c’est que les habitués de vos groupes de parole semblent avoir pris exemple, avec le temps, sur vous, et osent régler leur pas sur le vôtre, intervenant eux aussi sans crainte, opportunément et à bon escient — et eux aussi comme à l’instinct. Peut-être tout simplement du fait de leur « expertise » ; mais aussi, j’en ai en tout cas l’impression, en bonne partie par votre influence bienveillante.

L’autre chose qui m’a semblé tout à fait inattendue (et bienvenue !), c’est l’ambiance étonnamment apaisée, détendue mais aucunement désabusée, qui accueille les rires salutaires, dont elle sait qu’ils permettent d’un peu, lorsque nécessaire, dépassionner, calmer le jeu ; sans pour autant, jamais, car ce serait proprement indécent, minorer l’importance des enjeux.

Pour qui comme moi s’intéresse pourtant à cela depuis longtemps, l’étrange simplicité, l’étrange évidence de ces échanges laisse nécessairement stupéfait et curieux d’en découvrir davantage.

Toute ma gratitude, donc, pour m’avoir ainsi accueilli.

À bientôt,

Gérard X
Réalisateur, Producteur