Une mère découvre la pédophilie de son fils adolescent

Avec l’accord de cette mère, on partage son récit bouleversant qu’elle avait écrit avant de découvrir L’Ange Bleu et de contacter Latifa Bennari. Une réalité qui illustre la souffrance des pédophiles abstinents ni connue ni reconnue. Elle commence le chapitre qui relate sa vie depuis son contact avec nous.

J’étais sur le point de changer les draps de mon fils quand je les ai vues. Elles s’étaient échappées de leur cachette, une taie d’oreiller, et s’étaient retrouvées, pliées en deux sur le drap froissé, au centre du lit. J’étais angoissée à l’idée de les ouvrir. Généralement, quand on cache quelque chose c’est mauvais signe. D’autant plus que Timothée dissimulait souvent de mauvaises copies, en math surtout. Mais là, ça n’y ressemblait pas. Je ne reconnaissais pas le traditionnel papier avec sa marge rouge et ses lignes bleues sur lesquelles tous les écoliers ont rédigé un devoir. Paradoxalement j’aurais préféré tombé sur ce genre de feuilles. J’aurais été moins inquiète.

Au bout de quelques secondes de sidération, j’ai pris mon courage à deux mains et je les ai saisies. Je les ai scrutées attentivement n’en croyant pas mes yeux. J’étais abasourdie.
Puis, mon corps s’est manifesté, tantôt frissonnant, tantôt nauséeux. Mon front suintait comme
quand on a le trac. Mon coeur s’emballait. J’étais anéantie, confuse. Je ne voulais pas y croire.
J’aurais voulu hurler mais ma gorge était nouée. J’aurais voulu quitter sa chambre mais mes
jambes ne me portaient plus.

Alors mes pensées défilaient. Je me voyais dévaler l’escalier abrupte de la maison, me blessant au passage sur le vieux crépis de la cage d’escalier. J’atteignais enfin la porte, saisissais la poignée, la tournais brusquement, parvenais dehors. Je prenais une grande bouffée d’air car j’en manquais depuis quelques minutes. Je bousculais les gens dans la rue, continuais mon chemin sans même m’excuser.

Je m’engouffrais dans ma vieille voiture et roulais en direction du collège. Je conduisais à vive allure espérant percuter un platane pour en finir. Je courais vers l’établissement, déboulais dans la classe de Timothée au mépris du regard accablant des autres élèves puis je l’arrachais à son siège.

Je le tirais par le col de son polo et je le secouais violemment. J’exigeais des explications, en larmes. Je lui hurlais à la figure qu’il n’était pas digne d’être mon fils. Qu’il avait bafoué ma confiance. Je le reniais et l’insultais dans une violence démesurée. Oui, l’envie de m’en défaire à ce moment précis était à son comble.

Je n’avais jamais ressenti une envie aussi forte de ne jamais avoir été sa mère ou de ne jamais avoir eu de fils comme lui. J’avais envie de disparaître sous terre aussi. Qu’elle m’engloutisse à jamais et qu’une autre vie recommence. Celle là plus heureuse, plus normale.

Mais, j’y pense. C’était donc cela, l’histoire avec ma prof de français quand j’étais en quatrième ? Elle lisait les lignes de la main des élèves désireux d’en savoir plus sur eux, sur leur avenir. Ce devait être la fin de l’année. Quand les études se relâchent et que l’on regarde des films ou que l’on parle de façon décontractée avec les enseignants. C’est là qu’on voit leurs élèves préférés. Ils se trahissent car ils ne jouent plus de rôle. Ils ne font plus l’effort d’être aimables avec tout le monde.

Quand mon tour était arrivé elle m’avait dit dans un premier temps que je n’aurais pas d’enfants. Ou alors oui mais elle avait fait une drôle de tête avant de me lâcher la main et de s’en détourner dédaigneusement. Avait-il vu que cela ne tournerait pas rond chez mes enfants ?

J’y ai souvent repensé. Pas seulement depuis le moment où j’ai été confrontée au problème de Timothée. Avant. Toujours. Je n’irai pas jusqu’à dire que cela a conditionné mon avenir de mère mais je redoutais une stérilité ou une catastrophe.

J’ai pensé appeler mes parents pour partager cette histoire sordide et trop lourde à porter. Envie de me libérer de ce fardeau. Mais ils auraient été tenté de lui faire la morale. Et les critiques ou les
reproches auraient succédé à la stupéfaction. Ils auraient fini par me dire « on s’en était toujours
douté, Timothée a toujours été particulier ». Ce « toujours » bien appuyé aurait ponctué toutes leurs phrases comme un coup de poignard dans une plaie déjà ouverte. Les remontrances, les leçons de morale m’auraient anéantie. Et l’image, à jamais ternie de leur petit-fils aurait fini de me laminer.

Alors que la torpeur m’immobilisait toujours sur le plancher de la chambre mon cerveau était en
proie à un flot de questions. Mon fils avait-il dissimulé ces images parce qu’il était conscient de
leur gravité ? Depuis quand les cachait-il ? Pourquoi ? Etait-ce un pervers ? Comment cela se
soignait-il ? A qui s’adresser ? Désespérée de ne pas avoir de réponse immédiatement je me
massacrais le visage à coup de frottements nerveux et brutaux. Ma peau était sûrement rouge. Je
voulais me faire mal. Je pensais que je devenais folle. Pourquoi nous ? A qui confier cette histoire ? Sûrement pas à mon médecin traitant.

Puis j’ai éclaté en sanglots. Je voulais le tuer et mourir après. Le tuer aurait tout stoppé. J’avais peur de lui. J’avais peur pour lui. Mais en plus de la souffrance que j’ai éprouvée pour Timothée, pour nous, sa famille, j’ai eu terriblement honte. J’ai pensé aux gens qui l’aimaient. Même aux voisins. Qu’en penseraient-ils s’ils savaient ? Même si c’était pas important, leur avis, j’avais peur d’eux, de leur réaction. Puis, je voulais que tous ceux qui l’avaient connu n’aient jamais existé. Quelle sensation horrible.

J’étais prise dans un tourbillon d’incertitude et d’interrogation qui ne faisaient qu’aggraver mon état. Et soudain, une pensée terrible m’a traversé l’esprit. Et si ç’avait été prévisible. Quelle horreur. Prévisible ? Oui tout devenait limpide, là subitement. Le comportement de Timothée avait souvent suscité de l’étonnement ou de l’exaspération. Mon père surtout. Je crois qu’il ne l’aimait pas. Il montrait ça. De l’exaspération.

Mon père n’était pas tendre avec lui. Il avait un regard suspicieux et scrutateur. On aurait dit qu’il
s’en méfiait. Il y avait un malaise entre eux. On a souvent consulté des psy pour gérer des crises de nerfs ou les problèmes existentiels soulevés par Timothée. Mon père avait-il pressenti depuis l’enfance que quelque chose d’anormal se tramait ?

Et si ç’avait été à cause de nous ? De notre regard ? négatif ou introspectif ? Et si j’avais été la
seule responsable, moi la mère ? Alors, comment avais-je pu provoquer cela ? Et comment réparer ?

Puis, mon cerveau surmené m’a encouragé à rechercher des images de Timothée petit. J’étais en
quête d’un coupable, d’un déclencheur s’il y en avait un. Par exemple, des attouchements qu’il
aurait subis enfant et que sa conscience aurait enfoui. Je me suis mise à rechercher dans le passé
des indices. J’ai pris les albums qui se trouvaient dans sa chambre et j’ai fait défiler des photos pour le revoir à tous les âges. Timothée bébé. Timothée enfant. Timothée adolescent.

Les souvenirs de ce qui avait pu clocher sont remontés progressivement à la surface. Les mauvais souvenirs. Les brimades, les exclusions, les remarques, les rires moqueurs des autres enfants. Ces gamins qui l’avaient fait souffrir quand il était petit parce qu’il n’était « pas comme eux”. Du moins, Timothée renvoyait cette image. C’était à cause d’eux ?

Sinon, j’ai pensé à l’école. Elle avait souvent fermé les yeux sur des situations de violence, de harcèlement ou d’exclusion. Plutôt l’école ? Des tests l’avaient révélé EIP, c’est à dire Enfant Intellectuellement précoce. Ca pouvait être une cause aussi ? Un enfant sensible, solitaire et asociable pouvait-il devenir comme ça ? Ca venait de là ?

Tout a commencé alors en maternelle. Il mettait mal à l’aise l’instit qui nous avait convoqué parce
qu’elle le trouvait “bizarre. Timothée ne participait pas aux activités. C’était louche. Il observait
dans un coin. Sans déranger. Mais ça questionnait; ça agaçait. Il n’était pas « acteur de ses
apprentissages ».

Ça nous faisait sourire à l’époque. Mais il s’était mis progressivement à l’écart et
cela ne rassurait pas ses camarades de classe qui avaient fini par l’exclure. En fait, Timothée
n’aimait pas les situations de groupe et refusait de faire comme les autres, de s’intégrer. Pareil à la maison avec d’autres enfants. Je voyais bien qu’il agaçait les adultes de l’école aussi. Ce n’était pas un élève apprécié. Ce n’était pas un enfant apprécié pour ses qualités d’enfant. Comme s’il n’en avait pas eues. Il n’avait pas l’approbation de ses pairs. Ni de ses oncles et tantes. Quelqu’un le reconnaissait-il en tant qu’enfant ? Je me le suis souvent demandé.

Pourtant, Timothée n’a jamais été indifférent aux autres. Ses sentiments étaient d’ailleurs très forts. Mais son investissement était parfois trop étouffant pour qu’une relation perdure. Une fois, en moyenne section, Timothée avait eu un très gros chagrin après qu’un petit camarade de classe lui ait refusé de l’inviter à son anniversaire. Il s’était lié d’amitié avec cet enfant de manière exclusive et le pauvre élu avait été dépassé par un investissement affectif disproportionné. Et à l’inverse, l’absence de réciprocité avait été très douloureuse pour mon fils.

Ces relations difficiles l’avaient-elles blessé au point qu’il ait des problèmes d’identité sexuelle aujourd’hui ?

C’est comme les jeux qu’il pratiquait. Cela posait aussi un problème dans son intégration. Ses activités préférées quand il était petit n’étaient pas communes aux autres enfants. Malgré mes achats compulsifs de playmobil ou de jeux de constructions rien n’intéressait plus Timothée que de s’inventer des histoires avec un crayon et une feuille de papier dès qu’il a su dessiner.

Avec Nadia, une amie, nous étions allés faire les achats de Noël pour nos enfants. Elle avait pris des jeux vidéos pour son fils Damien et moi des livres pour Timothée ce qui l’avait étonnée. « Si j’offre des livres à mes enfants pour Noël, c’est comme si je les punissais ». m’avait -elle dit. Mais Timothée n’aimait pas les jeux. Il préférait inventer des histoires, dessiner des personnages imaginaires, lire, se mettre en scène constamment.

Il avait un côté déluré parfois. Mais jouer à un jeu vidéo sur un canapé n’a jamais été son truc. Et
s’il avait entre les mains « les petits chevaux » ou « le jeu de l’oie », il en détournait toujours les
règles. Il pouvait être irritant pour cela. Avec les « copains » car cela lui arrivait d’en inviter, il était maladroit et peu spontané.

J’ai dû lui répéter cent fois comment s’intégrer dans un jeu de cours de récréation. « Ne demande surtout pas de jouer avec eux, ils vont te dire non. Il faut que tu t’invites ». C’était difficile pour lui. Pas intuitif du tout. Du coup, il a passé beaucoup de récréation à l’écart. Etait-ce sa personnalité ou déjà les conséquences d’un trouble de l’identité ?

Comme beaucoup de parents, nous avons pris contact avec un pédopsychiatre. Nous avons souvent changé. Nous ne savions pas si ces séances lui faisaient du bien. Elles nous rassuraient. Nous avions le sentiment de faire quelque chose pour lui. Pour qu’il aille mieux. Malheureusement, ces visites hebdomadaires ne lui ont pas permis de gagner l’amitié de ces pairs et encore moins la popularité au sein d’un groupe.

Dans ma famille, Timothée passait pour un enfant capricieux et colérique. Et nous pour des parents incapables d’inculquer des règles ou de faire preuve d’autorité.

Durant les années de scolarité, Timothée a poursuivi sa route vers l’exclusion malgré le suivi chez le pédopsychiatre. Quand il est rentré au collège c’est devenu plus compliqué. Il était souvent angoissé et de plus en plus ostracisé. Il était devenu la cible des meneurs de sa classe qui avaient besoin d’un souffre douleur pour exister. Il s’était laissé faire par peur. Il n’avait pas trouvé sa place au collège parmi tous les adolescents qu’il cotoyait. Et nous avions l’impression qu’il n’y avait que des jeunes tyranniques qui l’entouraient tellement il était mal à l’aise et peu intégré.

L’adolescence correspond à la période du conformisme où il n’est pas très populaire de soutenir les plus faibles. Alors même s’il y avait des élèves sympas qui auraient voulu le défendre ou partager son amitié, ils se seraient mis en danger.

Vers 14 ans, Timothée avait changé. On avait l’impression qu’il se sentait mieux. Qu’il avait une
meilleure image et estime de lui. Un miracle. Il s’ était intéressé à son apparence. Il s’était trouvé
un style. Des cheveux longs, une tenue plutôt recherchée avec des tee-shirts au motif de mangas sur un jean délavé et des Van’s. Mais cela n’a duré que le temps d’une année scolaire.

À la veille du lycée, l’enthousiasme était retombé. Il s’était senti de nouveau mal à l’aise dans sa
nouvelle classe constituée essentiellement de garçons très virils. La photo de classe de l’époque en
témoigne. Mon fils arborait une tenue sombre alors que les autres étaient en tenue de jogging.
Timothée était gothique. Ils étaient sportifs. Ils avaient un air provocateur, Timothée était renfrogné et réservé. Ils semblaient bien dans leur peau alors que mon fils paraissait terrorisé. J’ai failli ne jamais voir Timothée sur la photo de classe car elle a été photoshoppée et mise sur un réseau social.
Ils l’avaient tout simplement supprimé.
Comme il ne ressemblait à aucun de ses congénères, au moins sur la photo, j’ai pensé qu’il pouvait être homosexuel. Drôle de rapprochement pourrait on penser. Une personne solitaire et introvertie serait-elle potentiellement homosexuelle ? C’était pourtant mon raisonnement du moment. Probablement que d’autres signes très subtiles, proches de l’intuition m’ont convaincu de
rechercher les causes de son mal être de ce côté.

Même s’il existe des adolescents assumant pleinement leur homosexualité, il faut reconnaître que la majorité est en conflit avec cette orientation sexuelle. J’ai donc pris des renseignements auprès d’associations. J’ai disséminé un peu partout dans la maison des brochures de sensibilisation pour attirer l’attention de Timothée. J’ai composé plusieurs fois des numéros verts pour prendre des renseignements, surtout le soir, quand j’étais angoissée.

Timothée qui avait cessé de voir son pédopsychiatre avait réclamé de reprendre les séances. Avec une femme de préférence. Durant cette période, il avait également vu une sophrologue qui avait pratiqué la relaxation sans grande efficacité. Mais, un jour, j’ai compris que je faisais fausse route. Je l’ai compris subrepticement, un dixième de seconde. Cela me revenait maintenant. J’avais chassé dans mon inconscient cette douloureuse et fugace prise de conscience car cela m’avait terrifiée. Ça m’avait mis la boule au ventre comme on dit.

On était partis en vacances à la montagne. Timothée était assis dans l’herbe après un pique-nique en famille. Il contemplait le paysage qui lui faisait face et puis soudain il s’était mis à pleurer. Il avait pleuré sans se cacher, sans pouvoir se retenir. Il disait que quelque chose ne tournait pas rond chez lui.

Nous avions essayé de le rassurer croyant connaître son petit secret. Nous avions pensé alors
qu’il n’assumait pas son homosexualité. Je lui avais maladroitement fait comprendre que nous
comprenions son mal être, sans rentrer dans les détails par pudeur et pour lui épargner des
confidences douloureuses sur son intimité. Mais il avait continué à sangloter.

Nous avions continué son père et moi à faire de lourdes allusions. Et Timothée, gêné, nous avait alors fait comprendre notre méprise. C’est à cet instant que, saisie d’angoisse, j’avais pressenti ce qui quelques mois plus tard allait me sauter au visage. Cette sordide découverte dans sa chambre a donc ravivé ce souvenir de vacances et nous a plongés dans un cauchemar que je croyais sans fin.

J’étais toujours immobile, dans cette chambre glaciale. Je me suis demandée s’il n’avait pas fait
exprès de placer ces images dans sa taie d’oreiller pour que je les découvre. Timothée savait que
j’entrerai pour faire du ménage, du rangement, faire son lit et passer l’aspirateur en dessous. C’était très certainement un appel au secours comme il avait voulu en passer plusieurs fois alors que je feignais de ne pas comprendre.

Soudain, les nuages ont laissé passer un rayon de soleil. J’étais éblouie par le faisceau lumineux qui laissait apparaître la poussière tourbillonnant dans le vide. Cela m’a fait sortir de ma torpeur car j’ai soudain eu envie de nettoyer les vitres qui étaient enfin éclairées par la lumière vive. Un peu plus tôt il avait plu. On pouvait voir des traces à la fenêtre. Je ne supportais pas la vue de ses milliers de gouttelettes figeant la crasse. C’était mon côté maniaque ou peut-être le besoin d’effacer une saleté pour en oublier une autre.

Une crampe dans la main m’a rappelé ce que je tenais si fort. J’ai regardé les feuilles de papier
glacé et j’ai eu envie de les déchirer. Peut-être qu’il n’y aurait plus de problème après ? Je me suis décidée à les affronter de nouveau. Malgré mes yeux embués, l’horreur s’est confirmée. Deux jeunes garçons posaient nus. Ils posaient tous les deux. Ils n’osaient pas regarder l’objectif.
Ils semblaient intimidés. Le déclencheur de l’appareil photo les avais à jamais figés dans le gros
catalogue des images pédopornographiques qui inonde la toile… Et Timothée l’avait consulté,
feuilleté. Il avait choisi une, deux, voire plusieurs photos et les avait imprimées.

Il devait forcément savoir que c’était mal. Qu’avait-il écrit dans le moteur de recherche ? J’ai allumé son ordinateur et j’ai regardé l’historique. J’y ai vu des « garçons nus », « boys naked » et des adresses d’hébergement étrangères. Comment avait-il pu taper sur le clavier ces mots ? Comment avait-il pu poursuivre chaque étape de la recherche sans remords ? Cela me faisait mal de savoir que nous étions probablement à côté de lui lorsque chaque lettre des ces immondes recherches se trouvaient sous la pulpe de ces doigts. Cela me tordait le ventre de penser que les valeurs que nous lui avions inculquées n’avaient pas eu la force de le dissuader.

J’ai eu peur des conséquences sur notre famille. Je me suis sentie tellement seule à ce moment là.
J’avais hâte d’en parler à son père. Si votre enfant se drogue, il y a toujours une association ou des médecins pour lui venir en aide. Et la société n’est pas si malveillante que cela envers cette
addiction. Les gens vous plaignent et vous aident. Votre enfant est compris quand même car la
société sait qu’il souffre. Mais comment dire que votre enfant est peut-être pédophile ?

On ne révèle par ce genre de choses sans réfléchir aux conséquences. Peu de personnes tentent de comprendre avant de juger. C’est comme la prévention routière ou toute autre prévention. Avant que l’on soit concerné par un drame on ne pense pas à toutes les précautions à prendre pour l’éviter et on est tenté de juger ceux qui ont été imprudents.

En revanche, dès lors que nous sommes personnellement affectés, on se sent l’âme d’un missionnaire. On se sent mandaté pour avertir des dangers, partager des histoires, donner des conseils.

Mais en matière de pédophilie, même ceux concernés comme les proches réfléchissent avant de témoigner. Pourtant, il m’arrivait de penser que la réaction de rejet était normale. Aurais-je eu de l’empathie si c’était arrivé au fils du voisin ?
Aurais-je pu comprendre ?

Il faudra peut être que je mente sur la vie amoureuse de Timothée, que je sois vague à ce sujet si
l’on essayait de me tirer les vers du nez. Il faudra que je fasse la mère peu informée ou que j’invente des amies filles ou amis garçons pour les plus ouverts. Je redoutais qu’il dévoile ce problème sur internet. Qu’il se trahisse.

Je me suis résolue enfin à refermer la chambre de Timothée après avoir remis le coussin dans sa
taie. J’ai attendu que son père rentre. À partir de ce jour, le temps est devenu mon allié. Je voulais le remonter pour rechercher des indices à son mal être. Je voulais le suivre au jour le jour pour surveiller Timothée et le protéger de ses pulsions et je devais l’anticiper pour lui construire un avenir meilleur.

Deux questions me préoccupaient désormais : Pourquoi était il attiré par les enfants ? et comment
l’aider à se sortir de cet enfer ?